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La TV, un fléau pour vos enfants ?

La plupart des anciens profs, ceux qui enseignent depuis 20 ou 30 ans, se disent inquiets par la baisse générale des capacités d’attention des élèves d’aujourd’hui. C'est le constat auquel j'arrive moi aussi, depuis plusieurs années. Pourtant, certains élèves sont plus attentifs que d’autres.

Alors pourquoi un enfant n’arrive-t-il pas à se concentrer ? Bien sûr, il peut s’agir de fatigue. L’heure du coucher et la régularité du rythme sont sans doute les premières variables à « ajuster ». Il peut y avoir une perturbation de l'équilibre familial qui parasite l'esprit de l'enfant et cette perturbation peut se traduire par un comportement moins attentif en classe. Quelques exemples de perturbations : décès d'un proche parent ou d'un animal familier, mariage des parents, naissance d'un petit frère ou d'une petite sœur.

Mais il y a un autre ennemi de la concentration dans la plupart de nos maisons : la télévision. En effet, quand un enfant joue aux Légos ou aux Playmobils et qu'il n'est plus attentif, sa construction s’interrompt ou son histoire s'arrête. S'il fait une partie de Mémory et qu'il n'est plus attentif, il perd la partie. Mais, si votre enfant regarde la télé et qu'il n'est plus attentif … l’histoire continue.

Un enfant qui regarde beaucoup la télé apprend peu à peu que ce n’est pas grave de ne pas être attentif : tout continue normalement. On aura beau lui dire, lui répéter, lui marteler que « c’est important d’écouter la maîtresse à l’école », si, pendant plusieurs heures par jour, il apprend à faire le contraire, toutes nos bonnes paroles seront vaines.

Voici quelques recherches à mes interrogations :

Prostrés, sourds à tout appel, le regard rivé, la pupille fixe, méconnaissables, comme statufiés devant le petit écran des heures durant : beaucoup d’enfants boivent la télé jusqu’à plus soif, et les parents trinquent. Ils se sentent à la fois coupables et inquiets : coupables de leur impuissance à arracher leurs bambins à la fascination qu’exercent ces flots d’images sur leur rétine ; inquiets d’un effet hypothétiquement dévastateur sur leur tendre cervelle.

Les chercheurs du monde entier sont enfin unanimes : l’abus de télé nuit aux neurones en plein développement des enfants, et affecte leur comportement et leur santé. Le lien entre la télévision et les nouveaux troubles de l’enfance est désormais établi.

Si nos enfants restent scotchés devant la télé, c’est qu’elle les plonge dans un état proche de l’hypnose. Tout se passe au niveau du cerveau : aussitôt le poste allumé, des ondes lentes, dites « alpha », prennent le relais des ondes « bêta », celles de l’éveil. Les chercheurs ont également observé chez l’enfant gavé de télé une nette prédominance de l’activité cérébrale dans l’hémisphère droit, celui qui traite l’information de façon émotionnelle. Résultat : l’esprit critique est altéré et la capacité d’apprendre diminue.

A voir l’état des lieux scientifique qui suit, il y a effectivement de quoi s’inquiéter… et de se décider à prendre les mesures qui s’imposent.

_ La télé bride l’imagination des enfants, affecte la capacité de représentation de l’enfant, autrement dit, altère sa faculté d’imagination. C’est ce que montre de manière évidente le pédiatre allemand Peter Winterstein, qui a étudié pendant plus de dix-sept ans les dessins de quelque mille neuf cents enfants, âgés de 5 à 6 ans. Plus les enfants passent du temps devant le poste, plus leurs dessins s’appauvrissent en détails. De plus, elle les empêche de se concentrer et d'apprendre. Ainsi, plus un bébé aura regardé la télévision, plus ses risques d’échouer dès le cours préparatoire seront élevés.

_ Elle perturbe leur sommeil, et sa consommation augmente cauchemars, difficultés à s’endormir et réveils au milieu de la nuit, aussi bien chez le bébé que chez l’enfant ou l’adolescent.

_ Elle favorise aussi l’obésité. En cause : le manque d’exercice, le grignotage, l’influence de publicités vantant une alimentation riche en calories, mais aussi et surtout les troubles du sommeil qu’elle engendre. En effet, le manque de sommeil affecte directement les mécanismes de la digestion et l’assimilation des graisses.

_ La télé rend les enfants violents. Une étude anglo-saxonne menée durant près de vingt ans a mis en relation la consommation télévisuelle de centaines d’individus et leur parcours judiciaire. Les résultats ? Accablants pour les amateurs d’émissions violentes. L’imagerie cérébrale permet aujourd’hui de comprendre pourquoi. Devant des images violentes, le cerveau réagit comme s’il était exposé à une situation réelle : il se met en état d’alerte, avec des réflexes de fuite ou d’agression. Mais à force de visionner le même genre d’images, ce système d’alerte subit une désensibilisation. Ainsi, progressivement, les enfants s’habituent à la violence et en viennent à la reproduire sans émotion.

Trois astuces pour stimuler la concentration de l’enfant :

La télévision fait partie de l’équipement de la maison, alors comment faire pour que les enfants ne la regardent pas trop ? Voici 3 astuces. La liste n'est pas exhaustive, vous pouvez en trouver d'autres mieux adaptées à votre façon de vivre :

1. Limiter les nombre de téléviseurs.

La première, c’est de limiter le nombre de télés dans la maison. Pour l’enfant, une seule télé suffit dans la maison, et, en tous cas, il faut éviter à tout prix d’en mettre une dans la chambre de l’enfant.

2. Règlementer l’usage de la télévision.

Il vous faudra créer des règles qui limitent les créneaux horaires et les jours où la télé est autorisée à la maison. Chaque famille peut inventer les siennes. S'il y a des jours sans TV, les loisirs convergeront plus facilement sur des jeux de société en famille, voire sur la lecture. Le but étant de casser les routines du type « Je rentre, j’allume la télé », et de limiter le nombre d’heures passées devant le téléviseur. Il nous faut donc apprendre aux enfants à s’amuser sans.

Précision importante : Les règles seront très faciles à mettre en place dès le début, plutôt que de revenir en arrière et limiter la télé alors que l’enfant la regarde déjà trop.

3. Offrir des alternatives à la télévision.

À la maison, l'enfant joue peu tout seul. Pourtant, en classe, en maternelle notamment, quand on sort des jeux chaque matin sur les tables et qu’on fait attention à les faire varier, les mêmes enfants jouent avec plaisir. C’est là qu’est l’astuce : sortir les jeux. Concrètement, cela veut dire que lorsque l’enfant rentre de l’école, s'il trouve de la pâte à modeler, un puzzle, des Légos, un Mémory, etc. il y a de bonnes chances qu’il s’attable et ne pense même plus à allumer son écran favori !


Questions posées à Serge Tisseron : psychiatre, docteur en psychologie. Il a imaginé en 2007 les repères "3-6-9-12, pour apprivoiser les écrans". Car, en effet, nous parlons de télévision mais il faut prendre en considération tous les types d'écrans : TV, ordinateur, tablette, console de jeux, téléphone portable.

Une remarque sur ces repères 3, 6, 9, 12 : La TV, pas avant 3 ans. La console personnelle, pas avant 6 ans. Internet après 9 ans. Les réseaux sociaux après 12 ans.

Quelles sont les conséquences physiologiques d'une exposition d'un enfant de moins de 3 ans devant la télé ?

Serge Tisseron : Aujourd'hui, les conséquences physiologiques d'une consommation de télévision chez l'enfant de moins de 3 ans ne sont pas mesurées. En revanche, plusieurs études américaines montrent que la télévision chez l'enfant de moins de 3 ans ne favorise pas le développement et même peut le ralentir.


Choisir d'interdire est-ce partir sur de bonnes bases ?

Serge Tisseron : Il faut bien distinguer ce qui se passe avant 3 ans et ce qui se passe après 3 ans. Avant 3 ans, les seules interactions dont l'enfant profite sont les interactions en vis-à-vis avec un autre humain ou avec les jouets qu'il manipule. La télévision n'apporte rien à l'enfant parce qu'elle n'est jamais interactive.

En revanche, après 3 ans, le problème est plus de cadrer la durée d'écran à une heure, d'inviter l'enfant à choisir les programmes qu'il a vraiment envie de voir et l'inviter à parler de ce qu'il voit pour créer des interactions autour de ce qu'il a regardé.


Quelle durée d'exposition préconisez-vous à partir de trois ans ? Est-ce différent selon les âges ?

Serge Tisseron : Entre 3 et 5 ans, un enfant ne bénéficie pas d'une consommation d'écran au-delà d'une heure. Son attention ne peut pas être maintenue si longtemps.

A partir de 6 ans, deux heures par jour sont bien suffisantes. Mais n'oublions pas qu'il s'agit de temps d'écran qui doit prendre en compte le temps de télévision et le temps de console de jeux, tablette, etc. Si un enfant a deux heures d'écran par jour, il peut regarder deux heures la télévision ou bien jouer deux heures aux jeux vidéo, mais il faut évidemment éviter qu'il ait quatre heures en tout.

Il faut donc passer un contrat avec l'enfant qui précise son temps d'écran et lui laisser l'aménager comme il veut dans la journée et en fonction des supports. C'est une manière de l'inviter à choisir et à exercer sa liberté.


La télévision chez l'enfant de moins de 3 ans ne favorise pas le développement quand c'est à haute dose. Mais la regarder comme on fait une autre activité est-ce vraiment problématique ?

Serge Tisseron : Il existe deux types d'études sur les conséquences de la télévision chez le jeune enfant. Les premières montrent que l'enfant qui regarde la télévision développe plus lentement l'acquisition du langage. Les secondes montrent qu'un bébé qui joue dans une pièce où un téléviseur est allumé a des périodes de jeu moins longues. Or, la durée des jeux spontanés d'un bébé est le meilleur indicateur de son développement futur. C'est pourquoi les chercheurs déconseillent même actuellement de faire jouer un bébé dans une pièce où un téléviseur est allumé.


J'ai une fille de 14 mois et il nous arrive de lui faire regarder "Bébé Einstein" de Disney. Elle semble hypnotisée pas ce genre de DVD. Quels sont pour vous les dangers de ce genre de DVD éducatif ?

Serge Tisseron : Il y a quelques mois, un parent américain a porté plainte contre le fabricant de ce DVD "Baby Einstein" parce qu'il avait lu dans des journaux que des chercheurs américains avaient montré que ce genre de DVD retarde les acquisitions. Le procès a été jugé. Les partisans et les défenseurs de ce DVD ont été entendus. Et le jugement a été sans appel : les fabricants de "Baby Einstein" ont été condamnés pour publicité mensongère et sont actuellement obligés de rembourser le prix du DVD, c'est-à-dire 17 dollars, à tous les parents américains qui en font la demande.


Quelle est l'alternative si on décide d'interdire l'enfant de moins de 3 ans de télé ?

Serge Tisseron : Demandez à votre grand-mère ! Un bébé de moins de 3 ans peut jouer tout seul en présence d'un adulte qui fait autre chose à condition que cet adulte prenne tous les jours un petit moment pour accompagner le jeu du bébé et le renforcer.


Regarder la télé favorise-t-il le syndrome d'hyperactivité chez les enfants ?

Serge Tisseron : Ce qu'on appelle le syndrome d'hyperactivité est quelque chose de très précis et aucun lien avec la consommation de télévision n'a été démontré à ce jour. En revanche, il est certain que la consommation de télévision excite l'enfant sans jamais le calmer et peut donc provoquer des troubles de la concentration et de l'attention dans les moments qui suivent. C'est pour cela qu'il vaudrait mieux qu'un enfant ne regarde pas la télévision le matin avant d'aller à l'école et le soir, juste avant de se coucher.


J'ai 20 ans et j'ai grandi sans la télé... Mais avec une souris au bout de la main, j'ai très tôt appris à utiliser un ordinateur (avec des logiciels comme Adibou, etc.). Que pensez-vous des ordinateurs ? Est-ce aussi mauvais que la télévision ?

Serge Tisseron : Le slogan "pas d'écran avant 3 ans" ne concerne pas seulement la télévision mais toutes les formes d'écran. La règle est qu'il vaut mieux éviter les écrans d'ordinateurs avant 3 ans autant que l'écran de télévision.

L'avantage de l'ordinateur est d'être interactif, mais son inconvénient est qu'il oblige l'enfant à suivre des modifications sur un écran vertical alors que sa main se déplace sur un plan horizontal. Très souvent, le bébé regarde sa main ou bien il regarde l'écran, mais la plupart des jeunes enfants n'arrivent pas à faire le lien entre les deux. Et c'est normal.

Il vaut donc mieux éviter de proposer cette activité aux jeunes enfants : elle n'est pas adaptée à leur développement.


Ma voisine rend la télé responsable de la dyslexie de sa fille de 9 ans. Petite, elle serait trop restée devant la TV à cause de graves problèmes de santé de la mère. Pouvez-vous confirmer un tel effet à long terme, suite à une exposition prolongée et trop précoce ?

Serge Tisseron : Aucune recherche ne démontre à ce jour un lien entre la dyslexie et l'exposition à la télévision. En fait, la seule chose que nous savons, c'est que l'exposition à la télévision retarde le développement du bébé ; et probablement, elle peut majorer des difficultés qui existaient par ailleurs, mais qu'elle n'a pas produites. C'est pour cela qu'il n'existe pas un symptôme précis qu'on pourrait appeler "symptôme de l'exposition excessive à la télévision". Mais, comme elle gêne le développement, elle peut probablement aggraver tous les troubles qu'un enfant peut présenter : troubles du sommeil, troubles de la concentration, troubles de l'attention, troubles de la prononciation...


Peut-on relier visionnage précoce de la télé et dépendance aux écrans de certains jeunes (notamment pour les jeux vidéo) ?

Serge Tisseron : Le problème de la télévision et des enfants, c'est qu'il est facile de la mettre en route, mais très souvent difficile de l'éteindre. L'enfant exposé à la télévision vit en effet des sensations et des émotions très intenses qu'il n'arrive pas à "digérer" et il ne cesse pas d'attendre que la télévision l'apaise enfin, mais cela n'arrive évidemment jamais.

Du coup, l'enfant qui prend l'habitude de regarder la télévision risque de vouloir la regarder toujours plus en attendant d'elle qu'elle lui permette de "digérer" enfin tout ce qu'elle produit d'intense en lui. Et de ce fait, cet enfant a évidemment de moins en moins de temps pour jouer.

Or, c'est en jouant qu'il aurait la possibilité de prendre du recul par rapport à ce qu'il a éprouvé en regardant la télévision. Le risque est donc que l'enfant continue à chercher toujours plus du côté des écrans et se détourne non seulement de ses jeux solitaires mais aussi des jeux collectifs à partager avec des camarades.

Et l'enfant qui ne sait pas jouer risque donc de se tourner très vite vers les écrans de jeux vidéo : là, il a l'impression au moins de pouvoir maîtriser dans l'interaction les excitations qu'il éprouve. C'est comme la télé du point de vue des excitations, mais c'est différent parce qu'il peut les réguler à son gré. C'est comme ça qu'un gros consommateur de télévision risque de devenir un gros consommateur de jeux vidéo.

C'est pourquoi, je dis toujours que la prévention des écrans excessifs à l'adolescence commence à la maternelle.

Quelques chiffres sur les 4-14 ans et le petit écran :

  • 4h 11 min. C’est le temps moyen passé chaque jour par les enfants de 4 à 14 ans devant la télévision en France. (Médiamétrie-Médiamat, 2005.)
  • 19 % de ce que regardent les 4-10 ans à la télévision appartient au champ de la « production jeunesse ». (Ministère de la Culture, 2003.)
  • 77 % des enfants de moins de 5 ans regardent la télévision. (Parents-TNS Sofres, 2004.)
  • 64 % des enfants de moins de 5 ans regardent la télévision le matin. (Parents-TNS Sofres, 2004.)
  • 21 % des enfants de moins de 5 ans regardent les mêmes programmes que le reste de la famille. (Parents-TNS Sofres, 2004.)
  • 53 % des enfants de 8-10 ans estiment que, sans la publicité, la télévision serait « nulle ». (Altavia Junium-Institut de l’enfant, 2001.)



Voici un petit travail de synthèse d'articles trouvés sur le Net (ou dans des livres). Il n'est surtout pas moralisateur, mais est juste là pour vous épauler un peu plus dans ce difficile métier que personne nous apprend : Etre parent.